« Vous interdisez les erreurs, vous empêchez ainsi la victoire »
Antoine de Saint-Exupéry.
La peur de l’erreur est le verrou de l’apprentissage
Toutes les erreurs se valent-elles quand on s’exprime dans une autre langue ?
La faute est-elle plus lourde que le contresens ?
Une étourderie a-t-elle le même poids qu’un mauvais usage systématique ?
Un faux ami peut-il vous mettre dans l’embarras ?
D’ailleurs, faut-il corriger les erreurs ?
Corriger ou ne pas corriger les erreurs lors de l’apprentissage des langues étrangères ?
La question peut surprendre, mais la controverse fait rage. Les neurosciences penchent en faveur de la correction. Dans son ouvrage récent, « Apprendre ! Les talents du cerveau, le défi des machines », le neuroscientifique Stanislas Dehaene invite à accepter l’erreur : « Elle est la condition même de l’apprentissage, elle permet au cerveau de mettre à jour nos modèles mentaux. »
(L’entretien du dimanche – Sud Ouest 21/10/2018)
Quand corriger ? Le dilemme dans l’apprentissage des langues étrangères
« L’erreur, il ne faut pas la sanctionner, il faut la corriger. Et plus une correction est rapide, plus elle est efficace », recommande Stanislas Dehaene. Or ce conseil est difficile à appliquer pour les enseignants de langues étrangères. Maîtriser une langue étrangère implique l’acquisition de deux compétences : la fluidité et la précision.
« La précision signifie la capacité de parler correctement, sans erreurs. La fluidité signifie parler, lire, etc. avec un rythme et une cadence naturels, sans longues pauses, précise Abbie, master Coach d’anglais chez VivaLing. Un professeur de langue doit s’efforcer d’équilibrer les deux. Mettre trop l’accent sur l’exactitude risque de se faire aux dépens de la fluidité et amène l’apprenant à tout remettre en question, à parler avec de longs “trous” ou pauses. Trop encourager la fluidité sans considération de l’usage correct peut affecter le sens global pour l’auditeur. C’est le cas lorsque le locuteur utilise un mauvais temps, un faux ami dans la langue maternelle ou un mot avec la mauvaise connotation dans la langue cible. »
Optimiser l’erreur comme outil d’apprentissage
Les erreurs font partie du processus d’appropriation d’une nouvelle langue. Chez VivaLing, elles constituent un excellent marqueur pour les enseignants qui repèrent les difficultés de leur apprenant et peuvent accorder plus d’attention à ces points encore non acquis. « La chose la plus importante que j’aimerais que les parents comprennent, continue Coach Abbie, c’est qu’il est important que les apprenants développent la précision et la fluidité simultanément et que les deux sont tout aussi importants. »
Comme souvent, la solution réside dans une panoplie de stratégies, à adapter à la situation et à la personnalité de l’élève.
Quand privilégier la fluidité ?
« Si l’enseignant et l’élève ont une conversation significative, la “communication” devrait être la chose la plus importante, explique Jing, master coach de mandarin. Une fois que les élèves se sont exprimés, l’enseignant peut répéter leur idée générale en utilisant le vocabulaire, la grammaire ou le mode d’expression appropriés ». C’est le principe de « correction d’erreur retardée ».
« Si nous travaillons sur une “activité libre” où il n’y a pas d’instructions précises (par exemple “Que faites-vous habituellement un jour de semaine ? »), je ne corrige pas ou peu, confirme Nuria, master coach d’espagnol. Je laisse l’apprenant s’exprimer comme dans une situation réelle avec les autochtones (qui ne vous reprennent pas tout le temps). »
Quand privilégier la précision ?
« Par contre, lorsque nous travaillons un point précis de la langue et que l’apprenant fait des erreurs, nous les corrigeons immédiatement. Cette partie de réaction immédiate (Immediate Feedback) est inscrite dans notre pédagogie Villa, précise coach Jing. Ainsi, les élèves ne feront pas la même erreur encore et encore. »
« Dans les activités de type « contrôlées », confirme Coach Nuria, les exercices impliquent des instructions précises, telles que : « mettez le verbe au présent dans l’espace laissé libre ». Dans ce cas, je signale toutes les erreurs immédiatement. Je retourne aussi sur les points qui ont posé un problème si nécessaire, pour relire un certain mot ou leur indiquer un moyen de se souvenir de la réponse et consolider la nouvelle information. »
Les solutions en action
Chez VivaLing, nos coaches utilisent les erreurs pour les transformer en accélérateur d’apprentissage. Le sujet est trop vaste pour couvrir en quelques lignes toute la gamme de leurs outils pédagogiques. Découvrez quelques stratégies fondamentales qui vous permettront de mieux décrypter les vidéos des sessions de vos enfants…
Le coach aide l’apprenant à se concentrer sur une ou deux erreurs fréquentes
Coach Abbie aime identifier des zones spécifiques plutôt que d’essayer de tout corriger en même temps.
« Une stratégie que j’utilise beaucoup est l’établissement d’objectifs et de repères. Beaucoup d’apprenants ont des “erreurs fossilisées” qu’ils portent en héritage de leur langue maternelle ou d’années de mauvaises habitudes. Il est important qu’ils soient conscients de ces domaines problématiques.
Par exemple, beaucoup d’apprenants français ont du mal à savoir quelle forme verbale utiliser au présent simple (“They walk & He walks”, “She has & We have”) même quand ils se souviennent, parfois ils laissent tomber la prononciation du “s” final ! Je fais remarquer à l’apprenant qu’il fait souvent cette erreur et nous trouvons un signal. Par exemple, je dessine un “s” dans l’air avec mon doigt que nous associons à cette erreur spécifique. Au lieu de les interrompre au milieu d’une phrase, je vais simplement faire un mouvement avec le signal et l’apprenant va répéter ce qu’il vient de dire correctement. »
Le coach fait participer l’apprenant au processus de correction
« Nous jouons à résoudre l’erreur ensemble, raconte coach Nuria, comme si nous devions découvrir la réponse à une énigme. »
Selon le principe de “correction d’erreur retardée”, coach Abbie attend que l’apprenant ait terminé sa phrase ou son exercice pour lancer un indice tel que “Le #3 semble bizarre… Qu’en penses-tu ?”
Le coach parle des erreurs de manière positive (et en mode affirmatif)
« Chez VivaLing, le “Non, ce n’est pas bon » est proscrit, explique coach Nuria. Nous préférons questionner l’apprenant : “Mh… Es-tu certain.e de cela ?” Parce que la dernière phrase stimule la curiosité et donne aux enfants une plate-forme pour réfléchir et décider par eux-mêmes. Il leur apprend à être critiques envers eux-mêmes. »
Le coach récompense la solution de l’erreur (plutôt que de la sanctionner)
« Je cherche à récompenser mes apprenants deux fois plus s’ils corrigent leur propre erreur (même avec de l’aide), positive coach Nuria. En effet, ils sont en train de réfléchir activement et de consolider la notion dans leur cerveau. Double effort et responsabilité dans leur propre processus d’apprentissage ! ». Une approche approuvée par Carol Dweck, professeure de psychologie de Stanford. Ses recherches montrent qu’il vaut mieux féliciter le travail fourni par l’enfant (c’est l’effort qui est récompensé, que le résultat soit correct ou faux) que l’intelligence de l’enfant (Car l’erreur signe les limites de son intelligence : “je suis nul, ce n’est pas fait pour moi”).
Le coach corrige les erreurs nécessaires
Comment corriger une notion linguistique si l’apprenant n’a pas encore vraiment appris à l’utiliser ? Il est important de limiter les corrections aux notions que l’apprenant devrait déjà connaître. Pour le reste, le coach sera la béquille de son élève pour lui permettre de gravir les échelons successifs.
Alors, même pas peur des erreurs !
Encourageons donc nos enfants à considérer leurs erreurs linguistiques comme une chance !